Le 10 octobre 2024 – Sept ans après l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance, et alors que la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité doit désormais être transposée, 57 entreprises françaises n’auraient toujours pas publié leur plan de vigilance. Pourtant, selon les recherches menées par Datactivist, au moins 279 entreprises seraient soumises à cette loi visant à prévenir et réparer les violations aux droits humains et à l’environnement commises à l’étranger par des multinationales françaises.
Le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa publient aujourd’hui la mise à jour du Radar du devoir de vigilance, outil citoyen contribuant au suivi de cette loi [1]. Un travail extrêmement complexe car aucune base de données publique ne donne d’informations sur la structuration des groupes français et sur leurs effectifs salariés en France et dans le monde. Pour mettre à jour une liste d’entreprises soumises à la loi sur le devoir de vigilance, les associations ont travaillé avec Datactivist, coopérative spécialisée dans l’ouverture et l’analyse des données. Deux bases ont été exploitées : la base de données publique SIRENE et de la base de données financières ORBIS, mais ces données sont foncièrement lacunaires [2].
Compte tenu de cette opacité, la liste actualisée par le Radar du devoir de vigilance n’est donc malheureusement pas exhaustive. Elle permet cependant de constater que plusieurs sociétés semblent désormais assujetties au devoir de vigilance : la chaîne de magasins hard-discount Action France, le fabriquant de missiles MDBA, le groupe pharmaceutique et cosmétique Pierre Fabre ou encore la SNCF.
L’analyse recense 57 entreprises qui n’auraient toujours pas publié le plan de vigilance exigé par la loi, notamment Buffalo Grill, Euro Disney, Bigard, ou encore Picard.
Primark France, sortie de la liste en 2021 du fait de licenciements, y est désormais incluse. Alors que le secteur de l’habillement était particulièrement visé par cette loi dite “Rana Plaza”, l’entreprise ne publie toujours pas de plan de vigilance.
“La simple publication d’un plan n’est cependant pas suffisante : si ses mesures de vigilance sont inadaptées, une entreprise peut être mise en demeure, voire avoir à répondre de ses actes devant la justice” précise Lucie Chatelain, de l’association Sherpa.
Cette année, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa répertorient sept nouvelles affaires, dont l’assignation de TotalEnergies concernant des actes de torture commis sur l’un de ses sites au Yémen ou encore la mise en demeure de Carrefour sur son approvisionnement en thon issu de pêcheries industrielles impliquées notamment dans des violations de droits humains.
Au total, 13 actions en justice ont été introduites depuis l’adoption de la loi, et 30 mises en demeure ont été envoyées.
“La directive européenne, qui devra être transposée d’ici juillet 2026, devrait permettre que plus d’entreprises soit couvertes par le devoir de vigilance [3]. Mais, en l’absence de mesure pour garantir l’accès à l’information sur les multinationales, leur identification et le suivi de cette directive pourrait être tout aussi ardus” déclare Clara Alibert, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire.
Notes :
[1] Face à l’opacité des informations concernant les données des entreprises, le Radar du devoir de vigilance a été créé en 2019 pour tenter d’identifier les entreprises concernées par la loi sur le devoir de vigilance, rendre leurs plans de vigilance plus accessibles, et contribuer au suivi de la mise en œuvre de la loi.
[2] SIRENE ne communique des informations que sur les sociétés (et non pas les groupes de sociétés), n’indique qu’une tranche d’effectifs, et pour une année seulement. ORBIS donne des informations sur les groupes, mais de manière disparate, et sans préciser si les effectifs salariés sont localisés en France ou à l’étranger. Cette liste a ensuite été complétée en y ajoutant les sociétés qui reconnaissaient être assujetties, ainsi que les sociétés pour lesquelles des vérifications manuelles ont pu être menées. La méthodologie complète est décrite ici.
[3] La directive s’applique aux sociétés de plus de 1 000 salarié·e·s et 450 millions d’euros de chiffres d’affaires annuels pendant les deux derniers exercices, ainsi qu’aux sociétés à la tête de groupes qui remplissent ces seuils.