Dernière mise à jour le 7 octobre 2024
Société anonyme (SA)
Nom de la société | Eramet |
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Secteur d’activité concerné par l’étude du plan de vigilance | Extraction de minerais |
Description des activités de la société | Eramet se définit comme un « acteur majeur d’une indispensable transition énergétique ». Le Groupe est notamment spécialisé dans l’extraction de « lithium, un métal critique indispensable à la transition énergétique ». Le Lithium, la Manganèse et le Nickel permettent de développer « les nouvelles solutions de mobilité et le développement des énergies renouvelables en faisant appel au stockage de l’énergie ». |
Principaux minerais utilisés par ce secteur | Cobalt, Cuivre, Lithium, Manganèse, Nickel, Zinc |
Dans le cadre de notre étude sur le devoir de vigilance, nous avons examiné plus précisément le contenu du plan de vigilance 2020 de Eramet. Retrouvez les détails de notre analyse ici :
Le plan est-il publié de façon autonome, formalisée et accessible ?
Eramet a inclus le plan de vigilance dans son rapport de gestion. Le plan est présenté indépendamment en annexe du rapport et est formalisé. L’impératif d’accessibilité devrait toutefois impliquer que le plan soit mis en ligne de façon visible sur le site de l’entreprise. D’autre part, Eramet revendiquant être implantée à travers «39 sites miniers et industriels dans 20 pays» le plan de vigilance devrait être traduit au minimum dans les langues des pays dans lesquels la société opère.
Le plan couvre-t-il clairement la société mère et ses filiales ? Présente-t-il la méthode de consolidation qui permet d'identifier les filiales de façon précise ?
Le périmètre du plan de vigilance d’Eramet couvre l’ensemble du Groupe, c’est-à-dire la société mère Eramet SA ainsi que «les sociétés qu’elle contrôle de manière directe ou indirecte». Cependant ces sociétés ne sont pas identifiées dans le plan, au moyen d’une liste par exemple, et leurs activités ne sont pas précisées. Toutefois, ces sociétés étant listées dans le rapport de gestion, si le choix de l’identification du périmètre groupe au moyen d’une liste était retenu, un lien hypertexte permettant d’accéder directement à l’information pourrait être prévu, dans un souci de transparence, de lisibilité et d’accessibilité de l’information.
Le plan démontre-t-il l’intégration des sous-traitants et fournisseurs de la société mère et des sociétés contrôlées au périmètre de la vigilance ? Permet-il de les identifier de façon précise ?
Le périmètre du plan de vigilance d’Eramet couvre les fournisseurs et sous-traitants du Groupe, c’est-à-dire les fournisseurs et sous-traitants de la société mère et des filiales contrôlées. Cependant, les fournisseurs et sous-traitants ne sont pas identifiés (au moyen d’une liste par exemple), leurs activités et leur rang dans la chaîne d’approvisionnement ne sont pas non plus précisés. Toutefois, les listes de sous-traitants et fournisseurs pourraient rendre le Plan illisible. Dans ce cas, un lien hypertexte permettant d’accéder directement à l’information devrait être prévu, dans un souci de transparence, de lisibilité et d’accessibilité de l’information.
Le plan couvre-t-il clairement les risques et atteintes graves aux droits humains, à l'environnement et à la santé et à la sécurité ? Identifie-t-il les normes de référence de la société ?
Le plan de vigilance d’Eramet couvre « les risques et atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », en distinguant d’une part les entités du Groupe (la société mère Eramet S.A. ainsi que les sociétés qu’elle contrôle de manière directe ou indirecte) et d’autre part les fournisseurs et sous-traitants des entités du Groupe. Eramet indique également dans son plan de vigilance que la société identifie les «risques stratégiques, opérationnels, financiers et de conformité majeurs pour le Groupe». Dans son plan de vigilance, la société devrait toutefois s’attacher exclusivement aux thématiques du devoir de vigilance (les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement).
Les normes de référence sur lesquelles Eramet entend se fonder sont : « la Déclaration universelle des droits de l’Homme ONU de 1948, les deux Pactes internationaux de l’ONU de 1966 (Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), ainsi que la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 ». Eramet pourrait toutefois détailler les contenus des droits que la société entend respecter ainsi que les écarts potentiels dans les différents pays où le Groupe opère. Il en va de même en matière de normes environnementales, de santé et de sécurité étant donné que selon de loi devoir de vigilance ces trois thématiques sont interdépendantes et indivisibles.
Le plan identifie-t-il les parties prenantes de la société ? Présente-il la méthodologie de leur consultation ainsi que les résultats de cette dernière ?
Dans son plan de vigilance, Eramet n’indique pas si «les populations autochtones ou vulnérables», identifiées comme telles dans son plan, ont été associées à l’élaboration du plan, mais seulement qu’une «vigilance renforcée» est mise en place à leur égard. Ces mesures ne semblent pas suffisamment précises afin de rendre compte de la méthodologie d’identification des parties prenantes.
Cette méthodologie pourrait présenter par exemple les définitions et critères ayant mené à la sélection des parties prenantes. La liste des parties prenantes consultées pour l’établissement et la mise en œuvre du plan devrait également être précisée. S’il apparait nécessaire de garantir la confidentialité de certaines parties prenantes vulnérables, la société devrait indiquer les catégories de parties prenantes consultées pour lesquelles elle a préféré privilégier l’impératif de confidentialité.
Le plan présente-t-il les initiatives auxquelles participe la société ? Indique-t-il, le cas échéant, le niveau d'implication de la société dans celles-ci ainsi que les objectifs poursuivis ?
Dans son plan de vigilance, Eramet indique que ses acheteurs ont recours au «Conflict Minerals Reporting Template (CMRT)», qui est fourni et mis à jour régulièrement par la Responsible Minerals Initiative (RMI). Eramet indique ainsi avoir adhéré en 2019 en tant que «partner member» à la RMI. D’autre part, Eramet indique également dans son plan de vigilance avoir adhéré à l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). En cas de recours à d’autres initiatives pluripartites, Eramet devrait aller plus loin et publier la liste exhaustive de celles-ci, ainsi que, le cas échéant, une évaluation critique de l’initiative à échéance régulière. Cette évaluation pourrait comprendre la pertinence des parties prenantes impliquées, le mode d’interaction de l’initiative, sa gouvernance, les résultats des indicateurs de suivi et d’effectivité, etc. Une telle évaluation permettrait de s’assurer que les mesures prises dans le cadre de ces initiatives volontaires sont des mesures de vigilance appropriées. D’autre part, cette évaluation permettrait également de savoir si la société a identifié des limites à ces initiatives et a engagé des actions adaptées pour y remédier. En effet, comme le révèle le récent rapport de The Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity [1], ces mécanismes font l’objet de critiques car ils s’avèrent trop limités dans leur portée ou dans les mécanismes de contrôle des obligations auxquelles les sociétés s’engagent, c’est pourquoi, celles-ci devraient faire l’objet de vérifications régulières. En ce qui concerne l’ITIE par exemple, the Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity a à nouveau alerté dans son rapport de juillet 2020[2] sur les lacunes importantes de l’initiative en ce qui concerne la gouvernance multipartite dans la plupart des pays.
D’autre part, la Responsible Minerals Initiative, est une initiative volontaire menée par le secteur de l’industrie (la Responsible Business Alliance (RBA)) dont l’objectif est de s’approvisionner en minerais et métaux ne provenant pas de zone de conflit. Les critères d’évaluation de cette initiative ne couvrent donc pas tous les risques du devoir de vigilance et cette initiative fait également l’objet de critique. En effet, l’organisation Germanwatch a mis en avant que la Responsible Mineral Initiative n’est que « partiellement crédible et transparente » et que « l’affiliation (l’adhésion ou la certification) à ces initiatives ne constitue pas à elle seule la preuve que les minerais ont été obtenus d’une manière qui tient compte des risques environnementaux et sociaux et des risques envers les droits humains ». Dès lors, en cas d’affiliation à de telles initiatives, ces dernières devraient faire l’objet d’évaluations et de vérifications régulières.
[1] 2020.07 ; The Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity ; not fit for purpose
[2] 2020.07 ; The Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity ; not fit for purpose
[3] Sydow J. , Reichwein A. (2018); Germanwatch ; Governance of Mineral Supply Chains of Electronic Devices: Discussion of Mandatory and Voluntary Approaches in Regard to Coverage, Transparency and Credibility
Le plan présente-t-il précisément l'organisation transversale de la gouvernance de la vigilance au sein de la société ?
La gouvernance du plan de vigilance d’Eramet est assuré par les «Directeurs de la Communication et du Développement Durable et des Ressources Humaines, Santé, Sécurité et Sûreté, tous deux membres du Comité Exécutif (COMEX) du Groupe» ainsi que par «le Déontologue du Groupe et les Directions Achats des Branches». Si la Loi devoir de vigilance ne contient aucune disposition relative à l’organisation interne ou à la gouvernance du plan de vigilance, il paraît important d’avoir une implication globale de différentes directions pour éviter que l’action positive d’une direction ou d’un département soit atténuée par l’action d’une autre direction ou département. En ce sens, le plan de vigilance d’Eramet pourrait identifier la gouvernance de la vigilance par risque identifié, par pays d’activités ou minerais exploités. Cela reviendrait à identifier les directions opérationnelles en charge de la vigilance et les moyens qui leurs sont alloués, mais aussi l’évolution des ressources humaines prévues pour chaque mesure, ce qui permettrait d’apprécier l’effectivité de la vigilance et la réalité des moyens mis en œuvre.
Afin d'attester du comportement constant de la vigilance, le plan de vigilance est-il mis à jour de façon régulière ?
Le plan de de vigilance d’Eramet a été mis à disposition du public lors de la publication du rapport de gestion de la société (en avril 2020). Cependant, le plan de vigilance doit également être mis à jour aussi régulièrement que possible, en fonction de l’évolution des risques, des atteintes et de leur gestion. En l’occurrence, il semblerait que, à l’instar de la cartographie des risques, le plan de vigilance de la société soit «établit tous les trois ans» et «mis à jour annuellement». D’autre part, les plans de vigilance publiés dans les rapports de gestion de la société en 2020, 2019 et 2018 n’ont que très partiellement évolués. Or, le plan n’est pas un simple exercice documentaire ni déclaratif mais sa publication sert à démontrer qu’il produit des effets, c’est pourquoi le contenu des plans devrait logiquement évoluer chaque année et être mis à jour régulièrement, par exemple, en cas de survenance d’événements majeurs. Par exemple, Eramet indique dans son plan de vigilance publié en 2018 qu’en « ce qui concerne les sites miniers, l’enjeu de la consommation d’eau concerne principalement le site de Grande Côte Opérations (GCO), au Sénégal. Le sujet de la gestion des eaux y est sensible puisque l’exploitation de la mine fait appel à deux aquifères dont l’un est très important pour les populations et le pays en général ». Cependant, cette préoccupation se retrouve à l’identique dans le plan de vigilance d’Eramet publié en 2020 sans que la société explique comment le risque, son appréhension et les mesures mises en place pour y répondre ont évolué pendant trois années.
Le plan indique-t-il la gouvernance de la cartographie au sein de la société ? Apporte-t-il des précisions satisfaisantes sur les ressources mobilisées pour faire remonter des informations du terrain ? Démontre-t-il, le cas échéant, une connaissance précise des parties prenantes et des groupes vulnérables identifiés ?
Dans le plan de vigilance d’Eramet, les départements de la société impliqués dans la méthodologie de la cartographie semble rattachés aux activités de la maison mère du groupe («Direction du Management des Risques», «panel représentatif des différentes fonctions corporate et entités du Groupe») et éloignés des risques et atteintes graves survenant tout au long de la chaîne de valeur du groupe et plus particulièrement au cours des activités d’extraction de minerais.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique tout d’abord s’appuyer sur des critères développés en interne. La société affirme ainsi avoir élaboré des «critères d’évaluation [des] risques» en se basant sur les normes de référence qu’elle a identifié, ou, comme en matière de santé et de sécurité des travailleurs, utiliser les analyses de risque de chacun de ses sites. Cependant, Eramet étant implantée à travers «39 sites miniers et industriels dans 20 pays», la société pourrait présenter ces critères par sites, pays ou types de minerais exploités comme la Manganèse, le Nickel ou le Lithium.
D’autre part, Eramet indique s’être appuyer sur des outils externes comme « un système exigeant d’audit interne de la performance de ses entités en matière d’Environnement, de Santé, de Sécurité « ou «des audits HSE», mais aussi avoir eu recours à une société externe qui lui a fourni une «notation RSE» pour chaque secteur d’activité. Pour chacune de ces méthodologies, les critères utilisés pour cartographier les risques et atteintes graves ne sont cependant pas publiés. Les résultats de ces audits et notation pourraient également être présentés par sites, pays ou types de minerais exploités.
Dans son plan de vigilance, Eramet ne précise pas quelles sont les communautés locales potentiellement atteintes par les activités de la société, ni si des parties prenantes ont été consultées. En effet, Eramet indique simplement que « les risques ont été évalués pour les communautés riveraines des sites du Groupe ». Afin de s’assurer que la cartographie des risques est élaborée en fonction des risques générés par les 39 sites miniers et industriels d’Eramet, la méthodologie de la cartographie devraient comprendre la fréquence des visites de terrain, l’identification, au moyen d’une liste par exemple, des communautés vulnérables et des parties prenantes pour chaque site d’exploitation, et tout particulièrement celle consultées pour l’élaboration de cette méthodologie.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique que le périmètre de la cartographie couvre « les risques stratégiques, opérationnels, financiers et de conformité majeurs. Elle est complétée par des cartographies plus détaillées portant notamment sur des thématiques spécifiques transverses telles que les droits humains, l’environnement et la santé et sécurité des personnes ». La cartographie des risques relative au devoir de vigilance devrait s’attacher aux risques et atteintes graves pour les tiers et l’environnement (droits humains, santé et sécurité des personnes) et non à d’autres envers la société. Par exemple, en matière environnementale, les «évaluations des risques industriels réalisées avec les assureurs» mentionnés par Eramet peuvent conduire cette dernière à appréhender des risques envers la société elle-même et non pas envers l’environnement ou envers les tiers alors que les risques au sens de la loi devoir de vigilance sont à distinguer absolument des risques qui pèsent sur la société elle-même.
Le plan de vigilance indique-t-il si des études d'impacts externes sur les droits humains et l'environnement ont été réalisés ? Le plan indique-t-il et décrit-il les risques et atteintes graves identifiés de façon détaillée? Présente-il une analyse de ces risques et de ces atteintes graves ainsi qu'une hiérarchisation entre eux ?
Dans son plan de vigilance, Eramet mentionne uniquement que « des études d’impacts et d’évaluation des risques environnementaux sont réalisées dans le cadre des permis d’exploiter des sites, des systèmes de gestion ISO 14001, et des audits HSE du Groupe. Elles sont complétées par des évaluations des risques industriels réalisées avec les assureurs ». Cependant, les acteurs externes réalisant ces études d’impact et ces évaluations ne sont pas mentionnés, ce qui ne permet pas de s’assurer que ces acteurs externes ne sont pas influencés par de potentiels conflits d’intérêt par exemple.
Dans son plan de vigilance, Eramet présente tout d’abord au sein du périmètre extra-groupe «sept catégories d’achats» où des risques ont été identifiés. Au sein du périmètre groupe, le plan de vigilance présente les risques et atteintes graves en matière de droits humain, d’atteinte à la sécurité et à la santé des collaborateurs et d’atteinte à l’environnement qui ont ensuite été décomposés en plusieurs catégories : «risques pour les collaborateurs du Groupe» ou en «risques pour les communautés riveraines des sites du Groupe» par exemple. Puis, chacune de ces catégories est illustrée par quelques risques généraux, c’est-à-dire non spécifique à chacun des 39 sites miniers et industriels d’Eramet.
L’identification devrait ainsi être précise et non pas généralisée à la différence de la hiérarchisation des risques qui pourrait quant à elle, et dans un second temps uniquement, utiliser des catégorisations et se contenter de nommer des risques «principaux».
Eramet pourrait dès lors identifier les risques par exemple par pays ou régions ou régions, mines et sites industriels, ou minerais extraient par le groupe, comme le nickel, le lithium ou le manganèse. En ce qui concerne l’extraction de Manganèse par exemple, Eramet a fait l’objet d’allégations en matière d’atteinte à l’environnement ou aux droits des travailleurs [1], notamment pour les activités de sa filiale, la société Comilog, qui fait l’objet d’actions en justice pour pollution dans le sud-est du Gabon sur son site d’exploitation de manganèse et pour rupture abusive du contrat de travail de 600 salariés. Dès lors, Eramet devrait par exemple identifier dans son plan de vigilance les risques d’atteintes graves à l’environnement sur le site d’exploitation de manganèse de Moanda (risque de pollution de l’eau, risque d’atteinte à la santé, au logement, à un environnement sain et à la protection de l’environnement), et également identifier les risques d’atteintes au droit des travailleurs. L’absence d’identification précises des risques et atteintes graves propre au secteur extractif semble ainsi ne pas être conforme aux exigences de la loi.
Dans le plan de vigilance d’Eramet le respect du droit au CLIP des communautés locales n’est pas mentionné. Or, avec une activité s’étendant sur «39 sites miniers et industriels dans 20 pays», Eramet devrait s’attacher au respect du CLIP des communautés riveraines concernées notamment par l’extraction de Nickel, Manganèse et de Lithium. Par exemple, l’identification des communautés locales devrait concerner les communautés riveraines du site d’exploitation de nickel à Weda Bay et d’exploration de nickel sur l’île d’Halmahera, situées en Indonésie, qui, selon plusieurs enquêtes [2], seraient menacées d’expropriations forcées et de violation du droit au CLIP. En ce qui concerne le Lithium, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a émis en juillet 2012 un rapport [3] pointant du doigt les impacts socio-environnementaux de son exploitation sur les communautés locales de la province de Salta en Argentine où Eramet est implantée [4]. Dès lors, le risque de violation du CLIP de ces communautés devrait être identifié par Eramet. Par ailleurs, si l’absence d’implication des parties prenantes ne peut caractériser une violation du devoir de vigilance, le non-respect du CLIP résultant d’un manque de vigilance pourrait engager la responsabilité de l’entreprise.
[1] BHRRC ; Human rights policies & practices of companies featured on the Transition Minerals Tracker
[2] Ingénieurs Sans Frontières ; Etat des lieux des conséquences graves de l’exploitation minière
Les Amis de la Terre ; Mine d’Eramet en Indonésie : un nouveau rapport alarme sur les violations des droits des communautés,
Bank Information Center & Earthworks ; Weda Bay Nickel Rewiev report
[3] Nations Unies ; Rapport du Secrétaire général ; Droit des peuples à l’autodétermination ; A/67/276
[4] Eramet ; site internet de la société ; Projet Lithium : un nouveau territoire de développement et Argentine : travailler ensemble avec les communautés
Dans son plan de vigilance, Eramet indique que « l’évaluation du niveau de gravité et de probabilité de ces risques a été réalisée par un panel représentatif des différentes fonctions corporate et entités du Groupe ». Cependant, Eramet ne détaille pas le contenu et les résultats de ces analyses de risque qui permettraient d’évaluer leur ampleur. Par exemple, lorsqu’il existe des risques de diminution du niveau des nappes phréatiques et de leur contamination dans une région aride comme ce serait le cas sur le site de la province de Salta [1] en Argentine où Eramet est implantée [2], l’analyse des risques devrait couvrir la gravité des conséquences du risque identifié. En ce sens, de diminution du niveau des nappes phréatiques, leur contamination par les nombreuses substances chimiques utilisées pour la production du lithium ainsi que la salinisation des couches d’eau douce liées à l’extraction du lithium pourraient potentiellement affecter la vie des populations locales. En effet, ces dernières pourraient être affectées par ces impacts sur la ressource en eau car ils peuvent utiliser l’eau pour se nourrir, cultiver des terres ou élever du bétail. La destruction de ces ressources économiques pourrait avoir des conséquences sur des enfants qui pourraient potentiellement subir les conséquences de la perte de ces activités économiques et s’engager dans les métiers dangereux. D’autre part, la faune et la flore de la région pourraient également être affectées par ce changement de la qualité/quantité d’eau. Une fois l’ampleur des risques analysée, Eramet devrait alors hiérarchiser ces derniers et élaborer des actions de préventions et d’atténuation adaptées.
Eramet indique dans son plan de vigilance que les risques « sont évalués selon une cotation basée sur un couple fréquence x gravité ». Cependant, les résultats de ces évaluations et la hiérarchisation finale des risques n’est pas présentée. Cette hiérarchisation n’a pas vocation à exclure des risques ou atteintes graves du champ de la vigilance mais à prioriser les réponses dans le temps, avec l’objectif à terme de traiter la totalité des risques.
Par exemple, lorsqu’il existe des risques de diminution du niveau des nappes phréatiques et de leur contamination dans une région aride comme ce serait le cas sur le site de la province de Salta [3] en Argentine où Eramet est implantée [4] (voir Identification détaillée des risques et atteintes graves et Description et analyse des risques identifiés), les degrés de gravité, d’étendue, de probabilité ainsi que de réversibilité des risques identifiés et analysés peuvent varier.
[1] Nations Unies ; Rapport du Secrétaire général ; Droit des peuples à l’autodétermination ; A/67/276
[2] Eramet ; site internet de la société ; Projet Lithium : un nouveau territoire de développement et Argentine : travailler ensemble avec les communautés
[3] Nations Unies ; Rapport du Secrétaire général ; Droit des peuples à l’autodétermination ; A/67/276
[4] Eramet ; site internet de la société ; Projet Lithium : un nouveau territoire de développement et Argentine : travailler ensemble avec les communautés
Dans le plan, la cartographie est-elle publiée de façon précise en atteignant un niveau de détail suffisant ? Est-elle régulièrement mis à jour afin de prendre constamment en compte les risques au sein de la société ?
Dans le plan de vigilance d’Eramet, la cartographie des risques n’est pas publiée de façon exhaustive. D’une part, la méthodologie utilisée par Eramet n’est pas détaillée dans le plan de vigilance de la société. D’autre part, Eramet ne publie que des catégories générales des risques identifiés. A titre d’exemple, la cartographie des fournisseurs et sous-traitants des entités du Groupe présente des catégories de risques qui permettent simplement l’identification «en particulier de sept catégories d’achats à la fois importantes pour le Groupe, et présentant des risques». Afin de respecter pleinement l’obligation de publication, la cartographie des risques devrait atteindre un niveau de détail suffisant, permettant à toute personne d’identifier précisément les risques du groupe.
Eramet a recours à plusieurs cartographies, par exemple la société a ainsi élaboré une « cartographie des risques générés par les activités de ses fournisseurs et sous-traitants pour les droits humains et libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, et l’environnement ». L’utilisation de plusieurs cartographies peut permettre à la société de présenter la totalité des risques établis de façon accessible et exhaustive. Pour remplir ces objectifs, les cartographies utilisées doivent cependant être complètes et exhaustives, ce qui ne semble pas être le cas étant donné que la société ne présente et ne détaille pas les cartographies utilisées.
Eramet indique dans son plan de vigilance que les cartographies sont mises à jour de façon «régulière, sur la base notamment des évaluations en continu de la situation des sites et entités du Groupe au regard de ces risques». D’autre part, Eramet déclare avoir « formalisé en 2017 sa cartographie », il conviendrait toutefois qu’Eramet précise si la cartographie des risques a été mis à jour depuis, et que la société précise ce qu’est une « mise à jour régulière ». Il pourrait s’agir par exemple d’une mise à jour en cas de survenance d’événements majeurs tels que la modification d’un projet existant, la réalisation d’un nouveau projet ou la survenance d’incidences envers les droits humains et l’environnement.
Le plan permet-il d'identifier intégralement la chaîne de valeur de la société ? Fournit-il des précisions sur l'activité des fournisseurs et sous-traitants de chaque site minier ?
Le plan de vigilance d’Eramet ne fournit pas de précisions sur le niveau de traçabilité du périmètre Groupe ou Extra-Groupe de la société. Cependant, quelques informations peuvent être disponibles dans le plan de vigilance. Par exemple, Eramet indique avoir au moins « quelque 180 fournisseurs appartenant aux sept catégories d’activités les plus à risque ». Cependant, ces informations ne permettent pas de connaitre le nombre de fournisseurs du Groupe. Eramet devrait ainsi apporter des précisions sur la méthodologie, les objectifs et le calendrier des procédures mis en place quant à la traçabilité de la chaîne de valeur (filiales, fournisseurs et sous-traitants) et fournir davantage de précisions sur les activités ou le rang des filiales, des sous-traitants et des fournisseurs dans la chaîne de valeur.
Le plan identifie-t-il et justifie-t-il quels filiales, fournisseurs et sous-traitants font l'objet de mesures d'évaluation ? Indique-t-il la nature précise et la fréquence de ces évaluations ? Des mesures d'évaluation sont elles propres aux minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque ?
Dans son plan de vigilance, Eramet présente d’une part les mesures qui concernent le périmètre groupe. Il s’agit de mesures d’évaluations qui demeurent des mesures internes comme «des systèmes internes d’information environnementale» ou «un système exigeant d’audit interne de la performance de ses entités en matière d’Environnement, de Santé, de Sécurité «. D’autre part, les évaluations relatives au périmètre extra-groupe semblent basées sur le «respect [par les sous-traitants et fournisseurs] des exigences de la Charte Achats Responsables «. Ces évaluations sont par ailleurs réalisées en utilisant un questionnaire envoyé aux fournisseurs et sous-traitant identifiés «dont les réponses sont analysées par un tiers externe». Les mesures d’évaluations devraient cependant être multiples et complémentaires pour éviter au maximum les lacunes dans l’évaluation et le suivi des sociétés, le recours important à des mesures d’évaluations internes à la société semble ainsi insuffisant. D’autre part, ces mesures d’évaluation devraient être mises en place en association avec les parties prenantes pertinentes, ce qui ne semble pas être le cas. Enfin, ces procédures devraient être établies selon la loi au « regard de la cartographie des risques «. C’est-à-dire qu’en fonction de la cartographie, qui a permis de hiérarchiser les risques, Eramet devrait organiser l’établissement et la mise en œuvre des procédures d’évaluation.
En ce qui concerne la fréquence des mesures d’évaluations, ces dernières devraient être établies et mises en œuvre de façon constante afin d’éviter au maximum les lacunes dans l’évaluation et le suivi des sociétés. La fréquence des évaluations mentionnées dans le plan de vigilance de la société n’est que très partiellement renseignée et semble, le cas échéant, insuffisante. Par exemple, Eramet indique que le dispositif de contrôle de ses filiales repose sur un programme de visites de ses sites industriels sur un cycle de deux ans, sans toutefois préciser en quoi cette périodicité permet d’éviter des lacunes dans ces évaluations.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique que la société a choisi pour le périmètre Extra-Groupe «de concentrer en priorité ses efforts d’évaluation sur les quelque 180 fournisseurs du Groupe appartenant aux sept catégories d’activités les plus à risque […] et dépassant un certain montant d’achat». Si les mesures d’évaluation de la société sont ici organisées en fonctions des risques identifiés dans la cartographie des risques pour le secteur Extra-Groupe, le nombre définitif de fournisseurs soumis à cette évaluation, c’est à dire ceux «dépassant un certain montant d’achat», n’est pas mentionné et aucun moyen ne permet de les identifier de manière précise. En ce qui concerne le périmètre Groupe, Eramet n’indique pas si les mesures mises en œuvre s’appliquent à toutes les filiales du groupe ou si des mesures particulières s’appliquent à des filiales identifiées. Pourtant, certaines filiales du groupe ont fait l’objet d’allégations d’atteinte à l’environnement ou aux droits des travailleurs. C’est le cas de la Comilog, filiale d’Eramet, qui a fait l’objet d’actions en justice pour pollution dans le sud-est du Gabon sur son site d’exploitation de manganèse, et pour rupture abusive du contrat de travail de 600 salariés. Dès lors, des mesures d’évaluation précises et détaillées devraient s’appliquer à des filiales identifiées.
Eramet indique dans son plan de vigilance avoir mis en place « des évaluations spécifiques pour les achats de tungstène » qui est l’un des minerais de conflit retenu par l’OCDE et l’Union européenne. La société indique également être membre de la Responsible Minerals Initiative (RMI). Dans le cadre de ce mécanisme, « les acheteurs d’Eramet […] exigent ainsi systématiquement de leurs fournisseurs des informations concernant l’origine des minerais utilisés pour la fabrication du tungstène métallique vendu au Groupe ». Cependant, Eramet ne publie pas d’indicateurs permettant de connaitre l’efficacité de la Responsible Minerals Initiative.
D’autre part, la société indique être attentive « aux conditions d’approvisionnement de ces matières et notamment au respect des dispositions spécifiques du US Dodd Frank Act, ainsi qu’aux lignes de conduite fixées aux multinationales par l’OCDE ». Le Dodd-Frank act exige des entreprises cotées en bourse aux Etats-Unis qu’elles divulguent plusieurs informations sur leurs pratiques d’approvisionnement et sur les mesures mises en place afin d’éviter le risque d’approvisionnent en minerais de conflit. L’OCDE met quant à elle à disposition des sociétés un guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque. Eramet devrait alors fournir des indicateurs permettant d’évaluer les mesures de vigilance prises afin d’éviter ce risque d’approvisionnement en minerais de conflit, et indiquer, le cas échéant, les mesures mises en place pour y remédier.
Le plan indique-t-il les résultats de ces évaluations ? Présente-il leurs cahiers des charges et, le cas échéant, des critiques, notamment à l'égard des mécanismes de certification et des initiatives multipartites par lesquelles passent ces évaluations ?
Dans son plan de vigilance, et en ce qui concerne le périmètre Extra-Groupe, Eramet indique uniquement qu’un questionnaire envoyé porte sur « quatre domaines que sont les conditions de travail et le respect des droits humains, l’environnement, l’éthique et la loyauté des pratiques, et enfin la chaîne d’approvisionnement du secteur », sans toutefois préciser en quoi elle estime que ce questionnaire d’auto-évaluation est une mesure suffisante et adaptée de prévention des atteintes. En ce qui concerne le périmètre Groupe, Eramet ne fournit aucune précision sur le cahier des charges des évaluations. La société devrait dès lors publier les indicateurs pertinents aux suivis de ces évaluations ainsi que leur méthode d’élaboration afin d’éviter au maximum les lacunes dans l’évaluation et le suivi des sociétés.
Dans son plan de vigilance, Eramet mentionne simplement que «des plans d’actions correctifs sont définis à l’issue de chaque audit, et pour tous les risques considérés comme significatifs, un reporting trimestriel sur la mise en place des actions correctives est consolidé au niveau Groupe». Eramet devrait cependant publier les résultats des évaluations afin de mettre en évidence les progressions, les stagnations et régressions. Elle devrait indiquer quelles sont les mesures correctives adoptées dans les «plans d’actions correctifs» ainsi que leur calendrier.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique simplement avoir adhéré à l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) et à la la Responsible Minerals Initiative (RMI). Cependant, Eramet ne précise pas si les mesures prises dans le cadre de ces initiatives volontaires sont des mesures de vigilance appropriées et, si oui, pourquoi, ou si elle a identifié des limites à ces initiatives et a engagé des actions adaptées, le cas échéant, pour y remédier. En effet, les mécanismes volontaires, font l’objet de critique car ils peuvent s’avérer trop limités dans leur portée et dans les mécanismes de contrôle des obligations auxquelles les sociétés s’engagent. En ce qui concerne l’ITIE par exemple, the Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity a à nouveau alerté dans un rapport de juillet 2020 [1] sur les lacunes importantes de l’initiative en ce qui concerne la gouvernance multipartite dans la plupart des pays. L’organisation Germanwatch à quant à elle mis en avant le fait que la Responsible Mineral Initiative n’est que « partiellement crédible et transparente » et que « l’affiliation (l’adhésion ou la certification) à ces initiatives ne constitue pas à elle seule la preuve que les minerais ont été obtenus d’une manière qui tient compte des risques environnementaux et sociaux et des risques envers les droits humains » [2].
[1] 2020.07 ; The Institute for Multi-Stakeholder Initiative Integrity ; not fit for purpose
[2] Germanwatch -Sydow J. , Reichwein A. ; Governance of Mineral Supply Chains of Electronic Devices: Discussion of Mandatory and Voluntary Approaches in Regard to Coverage, Transparency and Credibility
Le plan de vigilance contient-il un plan d'action élaboré avec des parties prenantes identifiables ? Est-il basé sur des informations de terrains ? Présente-t-il de façon détaillée les mesures de prévention et d'atténuation des risques et atteintes graves ?
Dans son plan de vigilance, Eramet indique avoir mis en place des mesures d’information et de consultation des parties prenantes de manière générale. En effet, ces mesures sont prises «en fonction de la nature des impacts ou risques». Les consultations des parties prenantes quant aux plans d’actions devraient être détaillées et s’appuyer sur les risques identifiés et leur hiérarchisation. D’autre part, cette consultation devrait avoir lieu systématiquement «à tous les stades du projet» pour toutes les activités d’Eramet.
Dans son plan de vigilance, Eramet n’ayant pas publié une cartographie exhaustive et détaillée des risques identifiés, le plan d’action se contente de présenter de manière générale les mesures mises en œuvre dans le périmètre groupe et dans le périmètre Extra-Groupe de la société. En effet, les mesures présentées ne couvrent pas la totalité des risques propres à l’activité de la société. Par exemple, les mesures prises afin de répondre aux risques «d’émissions dans l’eau» et «d’émissions atmosphériques» concernent uniquement les sites industriels et non pas les sites miniers de la société. Quelques mesures spécifiques sont parfois présentées comme en matière environnementale par exemple, où des mesures visant à répondre au risque de pénurie des ressources en eaux sont présentées pour le site de Grande Côte Opérations (GCO) implanté au Sénégal. Cependant ces présentations ne sont pas exhaustives et devraient présenter les mesures mises en en place pour chacun des sites. En effet, Eramet a fait l’objet d’allégations quant aux activités de sa filiale, la société Comilog, qui fait l’objet d’actions en justice sur le site d’exploitation de manganèse de Moanda dans le sud-est du Gabon pour rupture abusive du contrat de travail de 600 salariés et atteinte à l’environnement [1]. Dès lors, Eramet devrait présenter les mesures adaptées qu’elle entend mettre en œuvre sur le site concerné. En ce qui concerne les risques soulevés par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones émis en juillet 2012 [2] et pointant du doigt les impacts socio-environnementaux de l’exploitation du Lithium sur les communautés locales de la province de Salta en Argentine où Eramet est implantée [3], les mesures adaptées qu’Eramet entend mettre en œuvre sur le site concerné devraient également être détaillées.
[1] Voir : BHRRC ; Human rights policies & practices of companies featured on the Transition Minerals Tracker
[2] Nations Unies ; Rapport du Secrétaire général ; Droit des peuples à l’autodétermination ; A/67/276
[3] Eramet ; site internet de la société ; Projet Lithium : un nouveau territoire de développement et Argentine : travailler ensemble avec les communautés
Le plan d'action est-il basé sur un calendrier et des objectifs qualitatifs et quantitatifs ? Des indicateurs permettent-il de s'assurer que les mesures et les ressources adoptées sont adaptées aux risques à atténuer et aux atteintes graves à prévenir ?
Dans son plan de vigilance, le plan d’action d’Eramet se contente de présenter des mesures générales. En ce qui concerne par exemple les fournisseurs dont la notation est en deçà d’un certain seuil, la société indique simplement que « des actions plus ciblées de maîtrise des risques doivent être mises en œuvre auprès de ces derniers ». Certains objectifs sont toutefois mentionnés, comme par exemple «l’objectif de certification ISO 14001 pour la totalité des sites». Cependant, Eramet devrait indiquer en quoi cet objectif de certification correspond à une mesure de vigilance raisonnable.
Dans le plan d’Eramet, des indicateurs de suivi des mesures sont parfois mentionnés ce qui pourraient permettre de s’assurer que les mesures prises sont adaptées aux risques identifiés. Par exemple, la société présente des mesures prises afin de répondre au risque d’émissions de gaz à effet de serre. Cependant, «et pour des raisons de confidentialité et de protection de nos procédés, le Groupe a décidé de ne pas communiquer plus précisément sur ces indicateurs». Dès lors, il est impossible de s’assurer du caractère adapté des mesures prises. D’autre part, et en ce qui concerne le périmètre extra-groupe, les mesures mises en place par la société semblent se limiter au respect par les fournisseurs et sous-traitants de la «Charte Achats Responsables». Le respect de cette charte étant ensuite «suivi au moyen d’audits fournisseurs». Cependant, le recours à ces engagements éthiques – quand bien même ils feraient l’objet d’engagements contractuels – ne saurait constituer des « actions adaptées » au sens de la loi s’ils demeurent trop vagues et ne répondent pas à chaque risque ou atteinte identifiés ou s’ils ne sont pas associés à des mesures de contrôle pour s’assurer de leur mise en œuvre. Eramet a cependant fait l’objet d’allégations quant aux activités de sa filiale, la société Comilog, qui fait l’objet d’actions en justice sur le site d’exploitation de manganèse de Moanda dans le sud-est du Gabon pour rupture abusive du contrat de travail de 600 salariés et atteinte à l’environnement [1]. Afin de s’assurer que les mesures mises en œuvre sont adaptées, les indicateurs mentionnés dans le plan de vigilance devraient être détaillés pour garantir que les mesures prises sont proportionnelles au risque ou à l’atteinte qu’elles visent à atténuer ou prévenir, en l’occurrence ici le risque d’atteintes aux droits des travailleurs du site concerné et le risque de pollution de l’environnement du site.
[1] BHRRC ; Human rights policies & practices of companies featured on the Transition Minerals Tracker
Le plan d'action envisage-t-il de cesser certaines activités et de développer des alternatives ? Envisage-t-il, le cas échéant, la rupture de relations commerciales avec certains fournisseurs et sous-traitants ?
Dans le cadre de ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs (périmètre Extra-Groupe), Eramet indique «se réserver le droit de procéder à une rupture de la relation contractuelle». Cependant, Eramet pourrait préciser le cas échéant, combien de relations contractuelles ont été rompues sur la base de ces conditions. Toutefois, les conditions d’une telle rupture devraient être précisées. En effet, des informations sur les actions menées et les éventuels plans d’actions correctifs mis en œuvre préalablement à la rupture des relations contractuelles devraient être publiées. Ces informations permettraient à Eramet de démontrer que la société exerce en permanence son influence sur ses fournisseurs et sous-traitants tout au long de ses relations avec ces derniers mais aussi que la rupture des relations contractuelles intervient bien en dernier recours.
D’autre part, dans le cadre de ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs (périmètre Extra-Groupe), Eramet peut «définir des mesures correctives à mettre en œuvre par le fournisseur selon un calendrier défini». Cependant Eramet ne semble pas envisager la cessation de certaines activités, et ces mesures ne s’appliquent qu’au périmètre Extra-Groupe de la société.
Le plan indique-t-il les mécanismes d'alerte existants et leur périmètre ?
Dans son plan de vigilance, Eramet présente un «dispositif d’alerte professionnelle» étendu à l’échelle du Groupe, ainsi que pour «certains sites» la mise en place de «systèmes dédiés permettant de recevoir et de répondre à des inquiétudes, questions ou plaintes des populations riveraines». Les systèmes d’alertes semblent ainsi être décentralisés bien que les «systèmes dédiés» ne semblent être étendus qu’à «certains sites», sans mention de ces derniers et de justifications quant à leur choix.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique que le Dispositif d’alerte professionnel permet «à chaque collaborateur d’alerter le Déontologue du Groupe ou le Responsable Conformité Éthique (RCE) de son entité de tout fait susceptible d’enfreindre les principes et engagements découlant de la Charte d’éthique et des lois ou règles relatives à l’éthique». Dès lors, ce mécanisme d’alerte ne semble s’appliquer qu’au périmètre du Groupe. Cependant, le mécanisme d’alerte devrait être étendu à tous les individus potentiellement affectés par les risques d’atteintes résultant des activités de la société, de ses filiales, sous-traitant et fournisseurs. Cela signifie que le mécanisme doit pouvoir être saisi notamment au sein de filiales, ou par des fournisseurs ou sous-traitants de la société mère et de ses filiales, mais aussi mais aussi par des tiers (riverains, ONGs). L’accès au mécanisme d’alerte pour des violations commises chez des fournisseurs, des sous-traitants, ou des communautés riveraines – qui ne sont pas des « collaborateurs » ne semble donc pas garanti. Cet accès n’est pas non plus garanti par les «systèmes dédiés» à l’ensemble des fournisseurs, des sous-traitants, ou des communautés riveraines dès lors que ces systèmes ne s’étendent pas à l’ensemble des entités du Groupe.
D’autre part, le mécanisme d’alerte doit couvrir la totalité du périmètre substantiel du plan de vigilance à savoir les risques en matière de droits humains, d’environnement et de santé et de sécurité des personnes, ce qui ne semble pas garantie par le fait de le conditionner à l’alerte à «tout fait susceptible d’enfreindre les principes et engagements découlant de la Charte d’éthique et des lois ou règles relatives à l’éthique». Enfin, le périmètre substantiel des systèmes dédiés n’est pas précisé ce qui ne permet pas de s’assurer qu’ils couvrent la totalité du périmètre substantiel du plan.
Le plan indique-t-il les parties prenantes impliquées dans l'élaboration du mécanisme d'alerte et leur mode d'implication ?
Le Plan d’Eramet ne comprend aucun élément de précision sur la méthodologie d’élaboration des mécanismes d’alerte et sur l’éventuelle implication de parties prenantes. Pourtant, l’implication de parties prenantes permet par exemple de s’assurer que ces mécanismes sont adaptés aux régions où la société opère. En effet, dans certains pays d’implantation des sites de la société, certaines communautés favoriseront l’oralité des échanges et d’autres, l’écrit, toutes n’auront pas un même accès ou usage des outils de communication (internet, téléphone, etc.). Cela implique de la part de la société de réfléchir en profondeur, selon ses régions d’activité, aux outils à mettre en place, à leur format et à leur langue. Une attention particulière devrait être portée aux parties prenantes vulnérables qui figurent généralement parmi les groupes les plus vulnérables et les plus gravement affectés (et qui englobent souvent les femmes, les enfants et les catégories socialement stigmatisées). Il conviendrait alors de leur accorder une attention particulière.
D’autre part, la loi précise que le mécanisme établi, mis en œuvre et publié dans le plan doit l’être « en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ». Dès lors, Eramet devrait indiquer dans son plan de vigilance les mesures de concertation mises en place avec les organisations syndicales représentatives.
Le plan de vigilance indique-t-il les modalités de fonctionnement du système d'alerte ? Indique-t-il les procédures de traitement des alertes ?
Dans le plan de vigilance d’Eramet, le mécanisme d’alerte semble être centralisé au niveau de la société mère. Il devrait néanmoins se diviser en de multiples outils et procédures déconcentrés, c’est-à-dire déployé dans toutes les entités de la société. Le recours à des «systèmes dédiés» peut alors être une solution mais cette pratique devrait être généralisée à l’ensemble des entités de la société.
D’autre part, Eramet n’indique pas dans le plan de vigilance les modalités de saisine du système d’alerte qui sont «mises à disposition des collaborateurs dans la Charte d’éthique disponible sur l’intranet du Groupe, et sont affichées dans les locaux de chaque entité.» La procédure devrait, notamment afin d’être accessible aux tiers, apparaitre dans le plan de vigilance, être suffisamment rapide et devrait prévoir des mécanismes de vérification, d’enquête. Elle devrait informer au mieux l’auteur de l’alerte de la réception du signalement, de chaque étape de la procédure et des prochaines échéances. De même, les modalités concrètes des «systèmes dédiés» ne sont pas détaillées. Enfin, s’il doit y avoir une centralisation des informations pour permettre la mise à jour du plan dans sa globalité, des interrogations demeurent. En effet, si les dispositifs semblent pilotés par «le Déontologue du Groupe et le Responsable Conformité Éthique (RCE) de chaque entité», quelle indépendance cet organe possède-t-il vis-à-vis de la direction ? Le défi majeur que constituent la remontée d’information, et plus spécialement pour des violations commises chez des fournisseurs, des sous-traitants, ou des communautés riveraines, demeure.
Dans son plan de vigilance, Eramet indique simplement que la « procédure garantit au collaborateur à l’origine de l’alerte une totale confidentialité et qu’aucune mesure ne saurait être prise à son encontre du fait de l’utilisation du dispositif ». Toutefois, Eramet devrait préciser sur quelles normes de référence est construit ce dispositif. Ces informations permettent de s’assurer en partie que la protection devant être accordée aux personnes utilisant les mécanismes d’alerte correspond aux exigences de mise en œuvre du mécanisme d’alerte prévues par la loi devoir de vigilance, et que le mécanisme d’alerte mis en place protège effectivement l’anonymat des personnes l’utilisant et les protège ainsi contre toute représailles lorsqu’ils déposent des réclamations ou signalent des violations.
Le plan présente-il un système adapté de contrôle de l'effectivité de la vigilance ? Présente-il de façon détaillée les mesures mises en place ?
Dans son plan de vigilance, Eramet indique en ce qui concerne le périmètre extra-groupe que les procédures de suivi de l’effectivité des mesures de vigilance sont réalisées « au moyen d’audits fournisseurs […] réalisés auprès d’une fraction de fournisseurs selon un programme annuel «. Eramet devrait cependant détailler le contenu de ces audits fournisseurs et en quoi, selon elle, il s’agit de mesures de vigilance adaptées. La société devrait également préciser et justifier le choix des entités soumises à ces audits. En ce qui concerne le périmètre Groupe, Eramet indique que les mesures de suivi reposent sur « le système de reporting HSE et RSE du Groupe ainsi que sur un suivi de la mise en œuvre des plans d’action de gestion des impacts environnementaux et sociétaux ». Toutefois, Eramet ne détaille pas les procédures propres à ces mécanismes. Par ailleurs, ces procédures d’évaluation mis en place demeurent des procédures internes à la société qui ne font pas appel aux parties prenantes de la société ou à des tiers afin de s’assurer de l’objectivité des dispositifs mis en place.
Le plan de vigilance d’Eramet renvoi vers « le compte-rendu de la mise en œuvre effective du Plan de Vigilance » afin d’avoir accès à des informations relatives au suivi de l’effectivité des mesures de vigilance. Cependant, le compte-rendu de la mise en œuvre effective de la vigilance doit présenter les évènements majeurs qui au cours de l’exercice ont pu avoir une incidence significative sur le périmètre du plan de vigilance alors que le dispositif de suivi doit comprendre l’établissement d’indicateurs pour chaque mesure de vigilance et pour chaque risque ou atteinte grave, afin de démontrer à la fois l’effectivité et l’efficacité des mesures.
Le plan indique-t-il quelle est la méthodologie d'élaboration des indicateurs utilisés afin d'assurer le suivi de l'effectivité et de l'efficacité de la vigilance ? Détaille-t-il les résutlats obtenus ?
Dans son plan de vigilance, Eramet n’indique pas quels sont les indicateurs utilisés pour assurer le suivi de l’effectivité et l’efficacité des mesures ni la méthodologie adoptée pour élaborer ces indicateurs. Cependant, Eramet devrait fournir une explication méthodologique sur le choix des indicateurs de suivi, ainsi que, pour chaque mesure, les ressources affectées en proportion de l’objectif poursuivi notamment afin de s’assurer que l’obligation de moyens visant à mettre en œuvre les mesures de vigilance prévues par la loi est remplie.
Enfin, ces indicateurs relatifs au suivi des mesures de vigilance participent au caractère efficace de la vigilance et devraient être établis en lien avec les parties prenantes et notamment les personnes directement affectées.
Le plan contient-il un compte-rendu exhaustif et transparent de la mise en oeuvre effective de la vigilance présentant l'évaluation des mesures prises ainsi que des plans correctifs prévus ?
Dans son plan de vigilance, Eramet présente dans un tableau permettant « pour chaque catégorie de risques identifiés, les éléments de la DPEF, publiée au sein du Rapport de gestion, permettant de rendre compte des actions de maîtrise des risques et des résultats de ces dernières ». Ce tableau ne satisfait cependant pas à l’exigence d’accessibilité car il fonctionne par renvoi à d’autres chapitres du rapport de gestion (qui plus est, sans utiliser les renvois par liens hypertexte). D’autre part, ces renvois demeurent des illustrations de mesures mises en œuvre. Enfin, les indicateurs clefs de suivi de la mise en œuvre effective et de l’efficacité des mesures de vigilance devraient aboutir à l’élaboration et à la publication de mesures correctives.