Paris, 7 juillet 2021 – Le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa publient aujourd’hui la troisième édition du Radar du devoir de vigilance. Selon les recherches menées par les deux associations, au moins 263 entreprises seraient soumises à cette loi visant à prévenir et réparer les violations aux droits humains et à l’environnement commises à l’étranger par des entreprises françaises. Notre étude recense 6 entreprises ayant fait l’objet de mises en demeure ou d’assignations en justice, ainsi que 44 entreprises qui n’auraient toujours pas publié le plan de vigilance exigé par la loi.
Une loi contre l’impunité des multinationales
Depuis le 27 mars 2017, la loi sur le devoir de vigilance impose une obligation de vigilance aux entreprises comptant plus de 5.000 salarié.es en France ou plus de 10.000 salarié.es dans le monde.
Cette loi vise à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et l’environnement qui résultent des activités des grandes entreprises françaises, y compris via leurs filiales, fournisseurs ou sous-traitants établis de par le monde. Cette loi se fonde sur deux obligations : une obligation de comportement vigilant, d’une part, et une obligation de transparence, d’autre part, par la publication d’un plan de vigilance.
Un outil, le radar du devoir de vigilance
Comme démontré en juin 2019 et 2020, lors des précédentes éditions de ce “radar du devoir de vigilance”, en raison de l’absence de suivi de cette loi et de l’opacité dont profitent pleinement certaines entreprises, il est impossible pour les citoyen.nes d’identifier de manière exhaustive les entreprises soumises à cette obligation.
Compte tenu des enjeux, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa ont créé un outil accessible en ligne, plan-vigilance.org, afin de servir de vigie citoyenne pour garantir l’accès à l’information à propos de la mise en œuvre de cette loi.
Cette édition 2021 du radar du devoir de vigilance révèle que :
- Au moins 263 entreprises seraient soumises à cette obligation de vigilance
- 6 entreprises ont été assignées en justice ou ont fait l’objet de mises en demeure par des associations et/ou des syndicats
- 44 entreprises n’ont toujours pas publié de plan de vigilance, en dépit des relances par courrier effectuées par le CCFD-Terre Solidaire, Sherpa et Amnesty International France au cours des derniers mois. Parmi ces entreprises, McDonald’s, Lactalis, Bigard, Adrexo, Leroy Merlin, Generali, Altrad, Euro Disney. Les associations publient dans un rapport les explications avancées par certaines de ces entreprises pour justifier leur absence de plan.
Une législation à appliquer et à étendre
A l’heure où le devoir de vigilance est en voie d’être étendu au niveau européen, ces écueils dans l’application de la législation française (seuils d’application trop élevés, absence d’accès à l’information etc.) doivent être corrigés. Surtout, la nouvelle législation européenne devrait faciliter les actions en justice contre les entreprises qui manquent à leurs obligations.
Pour Swann Bommier, chargé de plaidoyer pour la régulation des entreprises multinationales au CCFD-Terre Solidaire
“Cette troisième édition du radar du devoir de vigilance révèle l’apathie et le manque de volonté criante du gouvernement et des parlementaires de la majorité à assurer le contrôle et la mise en oeuvre de cette loi : voilà quatre ans qu’aucune liste des entreprises soumises à cette loi n’a été publiée, et que les manquements à la publication d’un plan de vigilance restent impunis.
Plus inquiétant, c’est également la mise en oeuvre effective de la loi sur le terrain qui ne semble pas non plus préoccuper Bercy: l’entreprise EDF, contrôlée par l’Etat via l’Agence des participations de l’Etat, est impliquée dans des violations des droits humains au Mexique, sans que les pouvoirs publics ne réagissent”.
En juin 2020, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa proposaient de conditionner les aides d’Etat du plan de relance au respect de cette simple obligation de transparence. Une idée portée par divers parlementaires dans l’hémicycle, rejetée par le gouvernement et la majorité parlementaire.
Pour Lucie Chatelain, juriste à Sherpa :
“On le voit dans les réponses des entreprises à nos courriers : certaines ne prennent pas au sérieux leur devoir de vigilance, qu’elles voient comme une simple formalité administrative qu’elles peuvent appliquer à leur guise. Le législateur européen doit absolument exclure cette logique, en renforçant les mécanismes de responsabilité en cas de dommage et en facilitant l’accès à la justice pour les victimes”.
Télécharger notre rapport présentant nos recherches et notre méthodologie d’enquête, ainsi que les réponses des entreprises à la suite de nos courriers de relance :